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Refondation dans la refondation?

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Il s’agit de « refonder l’Ecole » s’est exclamé Emmanuel Macron au soir du premier tour. Mais est-ce une refondation hors de la refondation en cours, en rupture avec elle ? Ou bien une « refondation dans la refondation ? », à l’instar du titre d’un célèbre ouvrage de Régis Debray : « Révolution dans la révolution ? » paru il y a tout juste 50 ans, en 1967.

« Restaurations » ou « simples aménagements de l’existant » ?

Certains des propos tenus par Emmanuel Macron lors du débat télévisé d’entre-deux-tours semblent aller dans le sens d’une  »restauration » et s’adresser électoralement aux  »révolutionnaires de l’immobilisme » (comme disent certains) : « Je veux rétablir les heures d’enseignement dont le français, l’enseignement du latin au collège, les travaux dirigés, les classes bilingues ».

Mais ce n’est peut-être pas si sûr ou si simple ; du moins si l’on juge par ce qui peut être dit par l’équipe  »éducation » d’Emmanuel Macron (avec sa cheville ouvrière, Anousheh Karvar, une  »ministrable »). D’abord la mise en avant de la notion de « parcours bilingues » (et non de classes-bilingues) au-delà des  »bilingues de continuité » (pour éviter la reconstitution de groupes-classes homogènes et le rétablissement de logiques de filières). D’autre part, les EPI (enseignements pratiques interdisciplinaires) ne seraient pas démantelés mais feraient l’objet d’aménagements sous des formes encore non précisées mais compatibles avec le maintien des  »maquettes horaires » actuelles.

Cependant, tout cela reste  »au conditionnel ». Seule  »assurance » : contrairement à nombre de ses concurrents à l’élection présidentielle, Emmanuel Macron n’ a pas repris à son compte le mot d’ordre d’ « abrogation de la réforme du collège »

Pour ce qui concerne les  »rythmes scolaires », on sait que les choix (de continuité, d’infléchissements voire de ruptures) ont été renvoyés publiquement  »à la base » par Emmanuel Macron : ce sera aux communes et aux conseils d’école de trancher en 2019 s’ils souhaitent conserver le modèle actuel, garder ou supprimer les activités périscolaires ou revenir à la semaine de quatre jours.

« Refondation dans la refondation ». « Pas de  »Grand Soir » ! »

C’est ce que semble bien avoir indiqué Emmanuel Macron dans sa réponse écrite au questionnaire de la Société des agrégés envoyé aux candidats à l’élection présidentielle. « Il faut mobiliser les énergies pour faire, non pour défaire. Il ne s’agit pas de dire que tout ce qui a été fait précédemment est nul et non avenu : si de profonds changements doivent être engagés, il faut bannir le mythe du  »Grand soir » »

Pour être au clair là dessus, le mieux est de revenir à la définition de la « refondation » telle qu’elle a été donnée à certains députés de droite qui s’interrogeaient sur son sens lors du débat à l’Assemblée nationale du 12 mars 2013 par le rapporteur de la loi d’orientation Yves Durand (approuvée par le ministre de l’Education nationale Vincent Peillon) : « Le thème de la refondation de l’école républicaine doit d’abord et avant tout être compris comme la priorité enfin donnée aux fondations, c’est-à-dire à l’école maternelle dans sa spécificité et à l’école élémentaire dans toute son importance, puis au collège, ainsi qu’à ce qui est jugé fondamental, à savoir la qualité et la formation professionnelle des enseignants, la question de la culture qui doit être effectivement maîtrisée par chacun, l’attention privilégiée aux élèves « fragiles »‘ ».

Pour ce qui concerne « la culture qui doit être effectivement maîtrisée par chacun » et pour la première fois dans notre histoire scolaire, les programmes de la scolarité obligatoire – depuis le cours préparatoire jusqu’à la troisième – ont été pensés ensemble, toutes disciplines confondues, par cycles successifs de trois années . Contrairement, là encore, à certains de ses concurrents à l’élection présidentielle, Emmanuel Macron ne s’est nullement prononcé pour les remettre en cause.

Par ailleurs, la politique scolaire menée sous le quinquennat qui vient de s’achever a accordé une grande importance à la formation professionnelle des enseignants en ventilant à cette fin près de la moitié des postes budgétaires créés, et en instituant les Ecoles supérieures du professorat et de l’éducation. Il apparaît qu’Emmanuel Macron n’envisage nullement de revenir là dessus, mais compte au contraire approfondir cette dimension : chaque enseignant devrait désormais bénéficier chaque année de trois journées de formation continue ; et il est prévu d’étendre la formation en alternance dès la licence pour les étudiants qui se destinent aux métiers de l’enseignement.

On sait aussi que la politique scolaire menée ces dernières années, conformément à « la loi d’orientation et de programmation » votée en juillet 2013, a accordé la priorité à l’école primaire.

« La mère des batailles » : la priorité à l’école primaire

Lors du débat télévisé de l’entre-deux-tours, Emmanuel Macron a même commencé par là son intervention lors du court passage consacré à l’Ecole : « mon projet est de concentrer les moyens sur l’école primaire. Il y a 20 % des élèves qui ne savent pas lire au CM2, que l’on va retrouver dans les jeunes qui sortent du système scolaire à 18 ans sans emploi ni formation. La mère des batailles , c’est l’école primaire ».

Il se situe ainsi dans la continuité de ce qui a été défini comme le « cœur de la refondation » par la priorité qu’il accorde aux « fondations », au « primaire ». Mais dans une continuité relative si l’on regarde de près ses modalités concrètes , notamment sa  »proposition phare » telle qu’il l’a énoncée lors du débat de l’entre-deux-tours : « Dans les ZEP, je veux qu’on réduise le nombre d’élèves par classe en CP et CE1 , 12 élèves par classe, 12000 postes d’enseignants ».

C’est sans doute un bon slogan de campagne électorale, qui peut attirer et fixer l’attention. Mais cela pose aussi sans doute plus de problèmes que de solutions effectives. S’il s’agit de classes de 12 élèves, cela pose la question du dédoublement des salles de classes (apanage des communes). Surtout, cela fermerait la voie à la co-intervention (à la base du dispositif  »plus de maîtres que de classes » qui a commencé à être mis en place durant le quinquennat précédent et qui apparaît le plus souvent intéressant). On peut aussi noter qu’avoir deux enseignants permet non seulement de mieux différencier et d’apporter des réponses aux difficultés propres à chacun, mais amène aussi ces mêmes enseignants à échanger et à co-élaborer leurs séquences et leur travail.

Selon l’équipe  »éducation » d’Emmanuel Macron (avec sa cheville ouvrière Anousheh Karvar, toujours aussi  »ministrable ») la  »mesure phare » d’Emmanuel Macron se mettrait en place progressivement : en septembre, en CP, dans les REP+ et une partie des REP par redéploiement des 5000 postes consacrés au « plus de maîtres que de classes » créés sous le quinquennat précédent. Ensuite, les recrutements seraient fléchés sur ce dispositif pour les rentrées 2018 et peut-être 2019, avec financement pour la création de 5000 postes ( cf « Le Monde. La Lettre de l’éducation n° 918). Mais pourquoi, comme l’a souligné une note récente de l’Institut Alain Savary, mettre fin une fois de plus (à l’instar de ce que fait trop souvent le politique) à une innovation avant même qu’on puisse vraiment apprécier ce qu’elle génère ?

Alors, in fine, « la refondation de la refondation » ou la « refondation dans la refondation » ?


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